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Je ne vous quitterai pas, je veillerai sur vous, sur cette enfant que j’adore. Elsie, je ne veux pas qu’on l’emmène. Votre mari a le droit de me tuer, que n’en use-t-il ? Il aime mieux me torturer, m’arracher le cœur, m’enlever ma fille !… Je ne le veux pas, moi. Résistez, je l’exige !

ELSIE.

Vous voulez donc me perdre, livrer ma vie au scandale, priver Hélène d’avenir et de nom ?

MAXWELL.

Et vous qui l’envoyez dans une famille étrangère, vous voulez donc qu’elle doive son nom et son avenir à un mensonge ? Non, cette lâcheté que vous voulez m’imposer révolte mon honneur et ma conscience. Ne préférez pas votre réputation à ma dignité, à la vie de votre enfant que l’on expatrie, qu’on livre à des inconnus, que l’on expose, volontairement peut-être, à mourir dans ce voyage !

ELSIE.

Ah ! que vous me faites de mal ! Voyez, je suis mourante. Le peu de fortune que j’ai, mon mari le dissipera en un jour. Il épousera Hilda Sinclair, qui est riche, ambitieuse d’un titre, et qui le dominera, elle ! Hilda Sinclair qui vous hait, parce que, quand votre amour pour moi n’était encore qu’une amitié dévouée, vous avez osé lui reprocher de m’enlever la protection de mon mari. Cette femme opprimera et maltraitera Hélène… Oh ! Dieu ! que deviendra ma pauvre enfant si elle ne trouve pas un appui dans ma belle-mère ! Vous n’avez pas de droits sur elle, vous ne pouvez ni l’adopter ni l’élever ; ne m’empêchez pas de la soustraire à l’avenir qui l’attend ici… Hélas ! vous ne pourriez le conjurer, vous êtes pauvre !

MAXWELL.

Pauvre et obscur, oui ; mais je ne suis ni un dissipateur ni un oisif, moi ! J’ai de la volonté, j’ai de l’avenir, je le sais, je le sens, je connais ma force et rien ne m’effraye. Je ne