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depuis plusieurs siècles. Plus je m’abandonnais à ces fantasques admirations, plus elles devenaient fréquentes, passagères et vides. Nul signe extérieur ne les a jamais trahies, Dieu le sait bien ! Mais je l’avoue avec honte, avec terreur, j’ai usé mon ame à ces frivoles emplois de facultés supérieures. J’ai souvenir d’une grande dépense d’énergie morale, et je ne me rappelle plus les noms de ceux qui, sans le savoir, gaspillèrent en détail le trésor de mes affections.

» Puis, à se prodiguer ainsi, mon cœur s’éteignit, je ne fus plus capable que d’enthousiasme ; et ce sentiment s’effaçant au moindre jour projeté sur l’objet de mon illusion, je dus changer d’idole autant de fois qu’une idole nouvelle se présenta.

» Et c’est ainsi que j’existe désormais : j’appartiens toujours au dernier caprice qui traverse mon cerveau malade. Mais ces caprices, d’abord si fréquens et si impétueux, sont devenus rares et tièdes ; car l’enthou-