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bles, il entre dans une liberté dangereuse. En s’éloignant des routes tracées par la volonté de Dieu, il s’égare, il se perd.

» Chez moi ce mépris des devoirs naturels, cette aspiration brûlante vers une existence impossible amena une sorte de dépravation intellectuelle. Ne me sentant liée à aucun homme par cette consécration expresse et volontaire de l’amour matériel, je laissai mon imagination inquiète et fougueuse parcourir l’univers, et s’emparer de tout ce qui se trouvait sur son passage. Trouver le bonheur devint ma seule pensée, et, s’il faut avouer à quel point j’étais descendue au-dessous de moi-même, la seule règle de ma conduite, le seul but de ma volonté. Après avoir laissé, sans m’en apercevoir, flotter mes désirs vers les ombres qui passaient autour de moi, il m’arriva de courir en songe après elles, de les saisir à la volée, de leur demander impérieusement, sinon le bonheur, du moins l’émotion de quelques journées. Et