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différence et de légèreté qui réveillait tous ses doutes. J’enchaînais l’élan quelquefois involontaire et fougueux de ses sens par une ironie glaciale. Puis, je reprenais le voile de l’amitié pour le consoler de mes dédains. Je l’enivrais malignement de caresses douces et chastes. Je jouais avec lui comme un vautour avec sa proie. Tantôt je le faisais souffrir, et je jouissais de son mal ; tantôt je le rendais heureux avec de légères concessions. En toutes choses et en tout temps, il était sous ma domination, et je lui faisais subir la supériorité de mon adresse, sans qu’il sût à quoi attribuer réellement le sang-froid et le calcul qui me rendaient plus forte et plus habile que lui.

» Il douta et espéra long-temps, parce qu’il désirait vivement. Quand il fut convaincu de mon invulnérabilité, il se refroidit : il m’aima comme je feignais de vouloir être aimée, mais comme en effet je ne voulais pas l’être. Alors la douleur et la colère s’éveillèrent en moi.