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était paisiblement assis à mes côtés, tenant ma main entre les siennes et me parlant du ciel et des anges, je promenais sur son front pur et sur sa poitrine calme un long et pénétrant regard. Je me disais qu’en laissant jaillir de mon œil une étincelle, en imprimant à mes doigts enlacés aux siens une pression plus vive, je pouvais à l’instant même embraser son cerveau et faire battre son cœur. Il m’était doux de sentir cette féminine tentation et d’y résister. J’aimais la souffrance voluptueuse qui résultait pour moi de cette lutte secrète. Elle me rajeunissait ; elle m’assimilait aux êtres affectés de passions entières et de désirs réalisables.

» Quelquefois, près de laisser échapper mon secret, je sentais la chaleur me monter au visage, et j’appuyais ma tête sur son épaule pour me reposer de ces agitations cachées, mais violentes. Alors, troublé lui-même de me voir ainsi, il s’échappait de mes bras avec épouvante.