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genoux, pour dormir au vent des nuits maritimes. Tes mains sont blanches et pures ; tes genoux ne sont pas brisés par tant de chutes. Et pourtant, pauvre poëte, tu as rampé dans les épines, tu t’es écorché sur les pierres aiguës ; tu t’es sali, ensanglanté, épuisé à étreindre la réalité hideuse et féroce. Tu t’es battu avec cette lionne au poil rude, tu t’es enivré à l’odeur de ses flancs infects, tu es tombé sous elle, saisi d’horreur et de dégoût ; et, pour se venger, elle t’a dévoré les entrailles. Mais Dieu te gardait, ame inviolable et sainte ; nulle orgie, nulle femme amoureuse, nulle menteuse amitié ne t’a possédée : tu es restée vierge dans un corps prostitué à toutes les débauches. Diamant dont le feu avait été dérobé aux plus purs rayons du soleil, tu es demeuré enfoui dans le caillou qui te protégeait, et la luxure n’a pas soupçonné le trésor que tu lui cachais et que tu voulais rendre à Dieu éclatant et pur comme tu l’avais reçu. Tu as bien fait de mourir, Sténio, ta grande ame