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comme elle l’avait connu, comme elle l’avait aimé.

— Te voilà, mon poëte, lui dit-elle, comme je t’ai souvent contemplé à ton insu. Souvent, dans nos courses rêveuses, je t’ai vu, plus faible que Trenmor et moi, céder à la fatigue et t’endormir à mes pieds sous une chaude brise de midi, parmi les fleurs de la forêt. Penchée sur toi, je protégeais ton sommeil, j’écartais de toi les insectes malfaisans. Je te couvrais de mon ombre quand le soleil perçait les branches pour jeter un cuisant baiser à ton beau front de jeune fille. Je me plaçais entre toi et lui. Mon ame despote et jalouse t’enveloppait de son amour. Ma lèvre tranquille effleurait quelquefois l’air chaud et parfumé qui frémissait autour de toi. J’étais heureuse alors et je t’aimais ! Je t’aimais autant que je puis aimer. Je te respirais comme un beau lys, je te souriais comme à un enfant, mais comme à un enfant plein de génie. J’aurais voulu être ta mère et pouvoir te