Page:Sand - Lélia, édition Dupuy-Tenré, 1833, tome 2.djvu/364

Cette page a été validée par deux contributeurs.

sans s’apercevoir de la présence du moine, je te plains, parce que tu m’as maudite. Je te plains, parce que tu n’as pas compris que Dieu, en nous créant, n’avait pas résolu l’union de nos destinées. Tu as cru, je le sais, que je prenais plaisir à multiplier tes tortures. Tu as cru que je voulais venger sur toi les douleurs et les déceptions de mes premières années. Tu as cru que j’accueillais tes sermens par le dédain et l’indifférence, pour indemniser ma vanité de toutes les trahisons que les hommes m’avaient infligées. Tu te trompais, Sténio, et je te pardonne l’anathême que tu as prononcé contre moi. Celui qui juge nos pensées avant même que nous puissions les prévoir, celui qui feuillette à toute heure le livre de nos consciences et qui lit sans ambiguité les desseins mystérieux qui n’y sont pas encore inscrits, celui-là, Sténio, n’a pas accueilli tes menaces et ne les réalisera pas. Il ne te punira pas, parce que tu as été aveugle. Il ne châtiera pas ta faiblesse,