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quand Dieu criera au milieu de vos nuits sans sommeil : — Caïn, qu’as-tu fait de ton frère ?

— Assez, assez ! mon père, dit le moine en tombant sur le carreau et en traînant sa barbe dans la poussière ; épargnez mon cerveau qui se brise, épargnez ma raison qui s’égare… Venez, s’écria-t-il en s’attachant à la robe du prieur, venez avec moi prier sur sa dépouille, venez prononcer les mots qui délient, venez toucher l’hysope qui lave et qui blanchit, venez dire les exorcismes qui brisent l’orgueil de Satan, venez verser l’huile sainte qui enlève toutes les souillures de la vie…

Le prieur, touché de sa douleur, se leva triste et irrésolu.

— Êtes-vous bien sûr qu’il se soit donné la mort lui-même ? dit-il avec hésitation. N’est-ce pas l’effet du hasard, ou (disons mieux) d’une sévérité céleste qu’il ne nous est pas permis d’interpréter, et au bout de laquelle