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guider dans les voies de l’avenir ; vous voyez bien que vous vous mentiez à vous-mêmes et que vous m’avez abandonné. Où étiez-vous quand je me perdais ? Dans le calme de votre sublime repos, de votre immuable renoncement, vous saviez bien que Sténio luttait contre l’agonie de toutes ses facultés. Mais vous disiez : — Tant pis pour Sténio. — Assis à l’abri de l’orage, vous saviez que là-bas un esquif se brisait sur les écueils ; mais vous disiez : — Dieu l’aime, Dieu le sauvera. La Providence veille sur lui, l’épreuve lui sera bonne et salutaire. Il reviendra ; laissons-le un peu se débattre. — Et, pendant ce temps, je périssais, moi ! Vous ne vous disiez pas que l’amitié est la seule providence que les hommes devraient invoquer, et que, s’il existait des amis, ils joueraient le rôle de Dieu les uns envers les autres. Mais non ! il en est de cela comme des autres choses. Notre ame en a le sentiment, elle n’en a pas la puissance. Elle conçoit les affections et les vertus, comme elle rêve ces