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rage et ta renommée, tu ne voulais ignorer aucune des joies de l’ame ou des sens ; le marbre du temple ou le fumier de l’étable servait d’oreiller à ton sommeil.

Que voulais-tu donc, ô don Juan ? Que voulais-tu de ces femmes éplorées ? Est-ce le bonheur que tu demandais à leurs bras ? Espérais-tu faire une halte après ce laborieux pélerinage ? Croyais-tu que Dieu t’enverrait enfin, pour fixer tes inconstantes amours, une femme supérieure à toutes celles que tu avais trahies ? Mais pourquoi les trahissais-tu ? Est-ce qu’en les quittant tu sentais au dedans de toi-même le dépit et le découragement d’une illusion perdue ? Est-ce que leurs caresses et leurs extases n’atteignaient pas à la hauteur de ton ambitieuse rêverie ? Avais-tu dit dans ton orgueil solitaire et monstrueux : — Elles me doivent une félicité infinie que je ne puis leur donner ; leurs soupirs et leurs gémissemens sont une douce musique à mon oreille ; les tortures et les angoisses de mes