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j’ai cru que j’allais grandir et prendre courage, j’ai cru que le mépris des lois vulgaires mettrait à mes pieds les communes ambitions, et je me suis trouvé plus bas qu’elles.

Maudit sois-tu, don Juan ! je t’ai pris pour la grandeur, et tu n’es que la folie. La poussière de tes pas ne vaut pas plus que la cendre balayée par le vent. Le chemin que tu as suivi ne mène qu’au désespoir et au vertige. Aujourd’hui que mon sang s’attiédit, que mes artères se ralentissent et s’appaisent, je puis redescendre en moi-même. Les sourires invitans et les douces paroles ne troublent plus ma rêverie. Je ne crois plus, comme autrefois, que les soupirs voluptueux et les baisers brûlans soient le seul bonheur et la seule sagesse. À cette heure solennelle où le monde pâlit et s’efface, où mes yeux n’entrevoient plus qu’à travers un nuage les délices menteurs en qui je m’étais confié, ton ombre, ô don Juan, n’a plus le pouvoir de m’égarer. Je puis te regarder face à face sans rougir et sans trem-