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Lélia elle-même est une femme comme une autre, que ses lèvres n’ont pas un baiser plus suave, que sa parole n’a pas une vertu plus puissante que le baiser et la parole des autres lèvres. Je sais aujourd’hui Lélia tout entière, comme si je l’avais possédée ; je sais ce qui la faisait si belle, si pure, si divine : c’était moi, c’était ma jeunesse. Mais, à mesure que mon ame s’est flétrie, l’image de Lélia s’est flétrie aussi. Aujourd’hui, je la vois telle qu’elle est, pâle, la lèvre terne, la chevelure semée de ces premiers fils d’argent qui nous envahissent le crâne, comme l’herbe envahit le tombeau, le front traversé de cet ineffaçable pli que la vieillesse nous imprime, d’abord d’une main indulgente et légère, puis d’un ongle profond et cruel. Pauvre Lélia, vous voilà bien changée ! Quand vous passez dans mes rêves, avec vos diamans et vos parures d’autrefois, je ne puis m’empêcher de rire amèrement et de vous dire : — Bien vous prend d’être reine, Lélia, et d’avoir beaucoup d’es-