Page:Sand - Lélia, édition Dupuy-Tenré, 1833, tome 2.djvu/29

Cette page a été validée par deux contributeurs.

lais être sublime et tu n’étais pas même grande. Voilà ce que c’est que de vouloir s’isoler des joies vulgaires et se faire une destinée de choix et d’exception ! Vous vous sentiez trop noble pour partager également le bonheur avec une autre créature ; vous avez voulu le lui donner sans le recevoir. Eh bien ! vous êtes restée au-dessous de ce magnifique projet. Vous avez voulu être généreuse, vous n’avez été que prodigue. Si vous eussiez été vraiment grande, vous auriez mis le bonheur d’autrui à la place du vôtre ; vous auriez goûté, dans les bras de votre amant, un plus grand plaisir que le sien, celui de lui tout donner. Je l’ai souvent désiré, moi, ce plaisir suprême ; j’ai souvent regretté de ne pouvoir éteindre l’ardeur de mon sang et modérer l’impétuosité de mes désirs, pour contempler un homme heureux sur mon sein. J’aurais voulu pouvoir mêler les jouissances épurées de l’esprit aux jouissances fiévreuses du corps ; mais d’où vient qu’elles semblent