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fort ne prend aucune sûreté pour son avenir, et ne recule devant aucun des dangers du présent. Il sait que toutes ses espérances sont enregistrées dans un livre, dont le vent se charge de tourner les feuillets, que tous les projets de la sagesse sont écrits sur le sable, et qu’il n’y a au monde qu’une vertu, qu’une sagesse, qu’une force, c’est d’attendre le flot et de rester ferme tandis qu’il vous inonde, c’est de nager quand il vous entraîne, c’est de croiser ses bras et de mourir avec insouciance quand il vous submerge. L’homme fort, selon moi, est donc aussi l’homme sage, car il simplifie le système de ses joies. Il les resserre ; il les dépouille de leur entourage d’erreurs, de vanités, de préjugés. Sa jouissance est toute positive, toute réelle, toute personnelle ; c’est sa divinité naïve et belle, cynique et chaste. Il la met toute nue et foule aux pieds les vains ornemens qui la lui dérobaient : mais plus fidèle et plus sincère que les hypocrites docteurs de son temple, à