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des hommes, tu accompliras, entre moi et tes anciens frères, des missions sublimes, tu rempliras la terre et les cieux, tu verras ma face et tu converseras avec moi. — Cela est beau, Magnus, et la poésie trouve son compte à ces sublimes aberrations. Mais quand il en serait ainsi, je n’en voudrais pas. Je ne suis pas assez grand pour être ambitieux, pas assez fort pour vouloir un rôle, soit ici, soit là-haut. Il convient à votre orgueil gigantesque de soupirer après les gloires d’une autre vie ; moi, je ne voudrais pas même d’un trône élevé sur toutes les nations de la terre. Si je doutais de la bonté divine au point d’espérer autre chose que le néant, pour lequel je suis fait, je lui demanderais d’être l’herbe des champs que le pied foule et qui ne rougit pas, le marbre que le ciseau façonne et qui ne saigne pas, l’arbre que le vent fatigue et qui ne le sent pas. Je lui demanderais la plus inerte, la plus obscure, la plus facile des existences, et je le trouverais trop exigeant