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condamne pas à un long exil parmi les autres hommes. Voyez, mon père, vous voici chauve comme moi, vos mains sont desséchées, votre poitrine rétrécie, vos genoux débiles, votre respiration courte ; voici votre barbe qui grisonne, et vous n’avez pas trente ans. Votre agonie sera peut-être un peu plus lente que la mienne ; peut-être me survivrez-vous toute une année. Eh bien ! n’avons-nous pas réussi tous deux à vaincre nos passions, à refroidir nos sens ? Nous voici sortis du creuset, épurés et réduits, n’est-ce pas, mon père ? Je suis plus amoindri que vous encore ; c’est que l’épreuve a été plus forte et plus sûre, c’est que je touche au but, c’est que j’ai fini de terrasser l’ennemi. Peut-être eussiez-vous aussi bien fait de prendre les mêmes moyens que moi ; c’étaient les plus courts ; mais n’importe, vous n’en arriverez pas moins à la souffrance et à la mort. Donnons-nous la main, nous sommes frères. Vous étiez grand, j’étais misérable ; vous étiez une na-