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vent, il l’appelait en vain, elle n’obéissait plus. Il affectait alors de mépriser les facultés qu’il avait perdues, mais l’amertume de sa gaieté trahissait sa colère et sa douleur. Il gourmandait en secret sa mémoire rebelle ; il fustigeait son imagination paresseuse ; il enfonçait l’éperon au flanc de son génie insensible et fatigué, mais c’était en vain ; il retombait épuisé dans un chaos de rêves sans but et sans ordre. Ses idées passaient dans son cerveau, incohérentes, fantasques, insaisissables, comme ces étincelles imaginaires que l’œil croit voir danser dans les ténèbres, et qui se suivent et se multiplient pour s’effacer à jamais dans l’éternelle nuit du néant.

Un soir, au coucher du soleil, ils entrèrent dans une vallée couverte de riches forêts ; les plus belles eaux serpentaient en silence à l’ombre des myrtes et des figuiers. De vastes clairières, où paissaient des troupeaux demi-sauvages, entrecoupaient de lisières d’un vert tendre ces masses d’un ton