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il les bat. Prenez garde, en vérité, il tient son couteau de table, il serait capable de vous l’enfoncer dans la poitrine.

— Ô mon Dieu ! pensa Trenmor, il est donc bien changé ! Son sommeil était pur comme celui d’un enfant, et, quand la main d’un ami l’éveillait, son premier regard était un sourire, sa première parole une bénédiction. Pauvre Sténio ! quelles souffrances ont donc aigri ton ame, quelles fatigues ruiné ton corps, pour que je te retrouve ainsi ? Cette manière de dormir est celle d’un joueur ou d’un forçat.

Immobile et debout derrière le sofa, plongé dans de sombres réflexions, Trenmor regardait Sténio, dont la respiration courte et le rêver convulsif trahissaient les agitations intérieures. Tout-à-coup le jeune homme s’éveilla de lui-même et bondit en criant d’une voix rauque et sauvage. Mais en voyant la table et les convives qui le regardaient d’un air d’étonnement et de dédain, il se rassit sur