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d’elles-mêmes au sein de joies factices et d’arides plaisirs.

Mais à qui la faute ? N’est-ce pas à Dieu avant tout ? Il ne m’était jamais arrivé d’accuser Dieu, et c’est vous, Lélia, qui m’avez appris à m’épouvanter de ses arrêts, à lui reprocher ses rigueurs. Voilà qu’aujourd’hui cette confiante superstition qui m’éblouissait se dissipe. Ce nuage d’or qui me cachait la Divinité s’évanouit. Descendu dans les profondeurs de moi-même, j’ai appris ma faiblesse, j’ai rougi de ma stupidité, j’ai pleuré de rage en voyant la puissance de la matière et l’impuissance de cette ame dont j’étais si fier, dont je croyais le règne si assuré. Voilà que je sais qui je suis, et que je demande à mon maître pourquoi il m’a fait ainsi, pourquoi cette intelligence avide, pourquoi cette imagination orgueilleuse et délicate sont à la merci des plus grossiers désirs ? Pourquoi les sens peuvent imposer silence à la pensée,