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rie de Lélia ! J’étais égaré, j’étais ivre, j’ai cru presser contre ma poitrine le rêve de mes nuits ardentes, et loin d’être glacé par le contact d’une femme inconnue, je me suis abreuvé d’amour ; j’ai béni le ciel, j’ai accepté la plus méprisante substitution avec des transports, avec des sanglots ; j’ai possédé Lélia dans mon ame, et ma bouche a dévoré Pulchérie, sans méfiance, sans dégoût, sans soupçon.

Brava ! Madame, vous avez réussi, vous m’avez convaincu. Le plaisir des sens peut exister isolé de tous les plaisirs du cœur, de toutes les satisfactions de l’esprit. Pour vous, l’ame peut vivre sans l’aide des sens. C’est que vous êtes une nature éthérée et sublime. Mais moi, je suis un vil mortel, une misérable brute. Je ne puis rester près d’une femme aimée, toucher sa main, respirer son haleine, recevoir au front ses baisers, sans que ma poitrine se gonfle, sans que ma vue se trouble, sans que mon esprit s’égare et succombe. Il