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» Je l’exhalais alors par tous les pores, je la répandais comme une inépuisable source de vie sur toutes choses. Le moindre objet d’estime, le moindre sujet d’amusement, m’inspiraient l’enthousiasme et l’ivresse. Un poëte était un dieu pour moi, la terre était ma mère, et les étoiles mes sœurs. Je bénissais le ciel à genoux pour une fleur éclose sur ma fenêtre, pour un chant d’oiseau envoyé à mon réveil. Mes admirations étaient des extases, mon bien-être le délire.

» Ainsi agrandissant de jour en jour ma puissance, excitant ma sensibilité, et la répandant sans mesure au-dessus et au-dessous de moi, j’allais jetant toute ma pensée, toute ma force dans le vide de cet univers insaisissable qui me renvoyait toutes mes sensations émoussées : la faculté de voir, éblouie par le soleil, celle de désirer, fatiguée par l’aspect de la mer et le vague des horizons, et celle de croire, ébranlée par l’algèbre mystérieuse des étoiles et le mutisme de toutes ces choses