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— Et c’est ce qui vous rend déplorablement vulgaire, Lélia, reprit la courtisane impitoyable dans son bon sens. C’est ce qui vous fait ressembler à tous les poëtes que j’ai lus. Car je lis les poëtes ; je les lis pour me réconcilier avec la vie qu’ils peignent de couleurs si fausses, et qui a le tort d’être trop bonne pour eux. Je les lis pour savoir de quelles idées prétentieuses et scandaleusement erronées il faut se préserver pour être sage. Je les lis pour prendre d’eux ce qui est utile, et rejeter ce qui est mauvais ; c’est-à-dire pour m’emparer de ce luxe d’expression qui est devenu la langue usuelle du siècle, et pour me préserver d’en habiller les sottises qu’ils professent. Vous auriez dû vous en tenir là. Vous auriez dû, ma Lélia, faire servir la fécondité de votre cerveau à poétiser les choses pour les mieux apprécier. Vous auriez dû appliquer votre supériorité d’organisation à jouir et non à nier ; car alors à quoi vous sert la lumière ?