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il a vécu cinq ans dans cette fange, parmi ces bêtes féroces et venimeuses ; il a subi le mépris des derniers scélérats et la domination des plus lâches espions. Il a été forçat, cet homme qui avait été si riche, si voluptueux parfois, cet homme de mœurs élégantes et de sensations poétiques, celui qui avait été artiste et dandy ! Celui qui volait sur les flots de la belle Venise, entouré de femmes, de parfums et de chants, dans sa gondole rapide ! celui qui gagnait des prix à New-Market et fatiguait de ses courses folles et aventureuses les plus beaux chevaux de l’Arabie ! celui qui avait dormi sous le ciel de la Grèce, comme Byron, cet homme qui avait épuisé la vie de luxe et d’excitation sous toutes ses faces, il a été se retremper, se rajeunir et se régénérer au bagne ! Et cet égoût infect, où trouvent encore moyen de se pervertir le père qui a vendu ses filles, et le fils qui a violé et empoisonné sa mère, le bagne d’où l’on sort défiguré et rampant comme les bêtes, Trenmor en est