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séquences sont les plus misérables. Il est presque impossible au joueur de ne pas se déshonorer au bout de quelques années.

Trenmor, après avoir pendant long-temps supporté cette vie d’angoisses et de convulsions, avec l’héroïsme chevaleresque qui était la base de son caractère, se laissa enfin corrompre. C’est-à-dire que, son ame s’usant peu à peu à ce combat perpétuel, il perdit la force stoïque avec laquelle il avait su accepter les revers, supporter les privations d’une affreuse misère, recommencer patiemment l’édifice de sa fortune, parfois, avec une obole, attendre, espérer, marcher prudemment et pas à pas, sacrifier tout un mois à réparer les pertes d’un jour. Telle fut long-temps sa vie. Mais enfin, las de souffrir, il commença à chercher hors de sa volonté, hors de sa vertu (car il faut bien le dire, le joueur a sa vertu aussi) les moyens de regagner plus vite les valeurs perdues ; il emprunta, et dès-lors il fut perdu lui-même.