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vre tout un jour de la vie des autres hommes. De la vanité à lui ? Il n’en a pas le temps ! il a bien autre chose à faire ! N’a-t-il pas son cœur à faire souffrir, sa tête à bouleverser, son sang à boire, sa chair à tourmenter, son or à perdre, sa vie à remettre en question, à reconstruire, à défaire, à tordre, à déchirer par lambeaux, à risquer en bloc, à reconquérir pièce à pièce, à mettre dans sa bourse, à jeter sur la table à chaque instant ? Demandez au marin s’il peut vivre à terre, à l’oiseau s’il peut être heureux sans ses ailes, au cœur de l’homme s’il peut se passer d’émotions ?

Le joueur n’est donc pas criminel par lui-même ; c’est sa position sociale qui presque toujours le rend tel ; c’est sa famille qu’il ruine ou qu’il déshonore. Mais supposez-le, comme Trenmor, isolé dans le monde, sans affections, sans parentés assez intimes pour être prises en considération, libre, abandonné à lui-même, rassasié ou trompé en amour, et