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Sténio, tu es bien imprudent de venir te jeter dans notre tourbillon ! Vois ce que tu me forces à te dire !…

Les hommes qui répriment leurs passions dans l’intérêt de leurs semblables, ceux-là, vois-tu, sont si rares que je n’en ai pas encore rencontré un seul. — J’ai vu des héros d’ambition, d’amour, d’égoïsme, de vanité surtout ! — De philanthropie ?… Beaucoup s’en vantèrent à moi, mais ils mentaient par la gorge les hypocrites ! Mon triste regard plongeait au fond de leur ame et n’y trouvait que vanité. La vanité est, après l’amour, la plus belle passion de l’homme, et sache, pauvre enfant, qu’elle est encore bien rare. La cupidité, le grossier orgueil des distinctions sociales, la débauche, tous les vils penchans, la paresse même, qui est pour quelques-uns une passion stérile mais opiniâtre, voilà les ambitions qui meuvent la plupart des hommes. La vanité, au moins, c’est quelque chose de grand dans ses effets. Elle nous force à être