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regarder, et qu’aussitôt vous échangeâtes avec lui un triste sourire ?

Cet homme m’inquiète et m’effraie. Quand il m’approche, j’ai froid ; si son vêtement effleure le mien, j’éprouve comme une commotion électrique. C’est, dites-vous, un grand poëte qui ne se livre point au monde, mais qui est au-dessus de Byron. Son vaste front révèle en effet le génie ; mais je n’y trouve pas cette pureté céleste, ce rayon d’enthousiasme qui caractérise le poëte. Cet homme est morne et désolant comme le Giaour, comme Lara, comme vous, Lélia, quand vous souffrez. Je n’aime point à le voir sans cesse à vos côtés, absorbant votre attention, accaparant, pour ainsi dire, tout ce que vous réserviez de bienveillance pour la société, et d’intérêt pour les choses humaines.

Je sais que je n’ai pas le droit d’être jaloux. Aussi, ce que je souffre parfois je ne vous le dirai pas. Mais je m’afflige (cela m’est permis) de vous voir entourée de cette lugubre in-