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rouges et sombres comme ceux qui précèdent l’orage et recèlent la foudre.

Ai-je commencé la vie avec toi, ou l’ai-je quittée pour te suivre dans la mort ? Ces années de calme et d’innocence qui sont derrière moi, vas-tu les faner ou les rajeunir ? Ai-je connu le bonheur et vais-je le perdre, ou, ne sachant ce que c’est, vais-je le goûter ? Ces années furent bien belles, bien fraîches, bien suaves ! mais aussi elles furent bien calmes, bien obscures, bien stériles ! Qu’ai-je fait, que rêver, et attendre, et espérer, depuis que je suis au monde ? Vais-je produire enfin ? Feras-tu de moi quelque chose de grand ou d’abject ? Sortirai-je de cette nullité, de ce repos qui commence à me peser ? En sortirai-je pour monter ou pour descendre ?

Voilà ce que je me demande chaque jour avec anxiété, et tu ne me réponds rien, Lélia, et tu sembles ne pas te douter qu’il y a une existence en question devant toi ! une destinée inhérente à la tienne et dont tu dois