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une affection. Quand je commençai d’aimer Sténio, je crus que l’affection m’emporterait au-delà du point où elle m’a laissée. J’étais si fière de croire à un reste de jeunesse et d’amour !… Mais tout cela est déjà retombé dans le doute, et je ne sais plus ce que je sens ni ce que je suis. J’ai voulu la solitude pour me recueillir, pour m’interroger. Car abandonner ainsi sa vie sans rames et sans gouvernail sur une mer plate et morne, c’est échouer de la plus triste manière. Mieux vaut la tempête, mieux vaut la foudre : au moins on se voit, on se sent périr.

Mais pour moi la solitude est partout, et c’est folie que de la chercher au désert plus qu’ailleurs. Seulement là elle est plus calme, plus silencieuse. Eh bien ! cela me tue ! J’ai découvert, je pense, ce qui me soutient encore dans cette vie de désenchantement et de lassitude : c’est la souffrance. La souffrance excite, ranime, irrite les nerfs ; elle fait saigner le cœur, elle abrège l’agonie.