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éteindre l’esprit, faire au moins que l’esprit domptât la matière. Eh bien ! je n’ai point réussi. Écrasée par l’un et par l’autre, j’ai passé la nuit assise sur un rocher, ayant à mes pieds le glacier que la lune faisait étinceler comme les palais de diamans des contes arabes, sur ma tête un ciel pur et froid où les étoiles resplendissaient larges et blanches comme des larmes d’argent sur un linceul.

Ce désert est vraiment bien beau, et Sténio le poëte eut passé là une nuit d’extase et de fièvre lyrique ! Moi, hélas ! je n’ai senti dans mon cerveau que l’indignation et le murmure. Car ce silence de mort pesait sur mon ame et l’offensait. Je me demandais à quoi bon cette ame curieuse, avide, inquiète, incapable de rester ici-bas pour aller toujours frapper à un ciel d’airain qui jamais ne s’entr’ouvre à son regard, qui jamais ne lui répond par un mot d’espoir ! Oui, je détestais cette nature radieuse et magnifique, car elle se dressait là, devant moi, comme une beauté stupide qui