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les abîmes de ce gouffre sans fond qu’on appelle l’Éternité, et dont la gueule me semble toujours béante au pied de mon lit, comme un sépulcre ouvert. Je rêve que j’en descends lentement les degrés, cherchant d’un œil avide un faible rayon d’espoir dans ces profondeurs sans bornes, et ne trouvant pour flambeau dans ma route que les bouffées d’une clarté d’enfer, rouge et sinistre, qui me brûle les yeux jusqu’au fond du crâne et qui m’égare de plus en plus.

Tels sont mes rêves. C’est toujours la raison humaine se débattant contre la douleur et l’impuissance.

Un semblable sommeil abrège la vie au lieu de la prolonger. Il dépense une énorme énergie. Le travail de la pensée, plus désordonné, plus fantasque dans les songes, est aussi plus violent et plus rude. Les sensations s’y éveillent par surprise, âpres, terribles et déchirantes, comme elles le seraient devant la réalité. Jugez-en, Trenmor, par