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ce sommeil-là je l’ai perdu et ne le retrouverai jamais. Une sorte de délire amer et sombre plane sur mon ame privée de guide. Ma poitrine brûlante et oppressée se soulève avec effort sans pouvoir aspirer les parfums subtils de la nuit. La nuit n’a plus pour moi qu’une atmosphère avare et desséchante. Mes rêves n’ont plus ce désordre aimable et gracieux qui résumait toute une vie d’enchantement dans quelques heures d’illusion. Mes rêves ont un effroyable caractère de vérité ; les spectres de toutes mes déceptions y repassent sans cesse, plus lamentables, plus hideux chaque nuit. Chaque fantôme, chaque monstre évoqué par le cauchemar est une allégorie claire et saisissante qui répond à quelque profonde et secrète souffrance de mon ame. Je vois fuir les ombres des amis que je n’aime plus, j’entends les cris d’alarme de ceux qui sont morts et dont l’ame erre dans les ténèbres de l’autre vie. Et puis je descends moi-même pâle et désolée dans