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meil sans que je daignasse m’apercevoir de ses révoltes ! Je vous l’ai dit : le spiritualisme enseigné aux nations, d’abord comme une foi religieuse, puis comme une loi ecclésiastique, a fini par passer dans les mœurs, dans les habitudes, dans les goûts. On a dompté tous les besoins physiques, on a voulu poétiser les appétits comme les sentimens. Le plaisir a fui les lits de gazon et les berceaux de vigne pour aller s’asseoir sur le velours à des tables chargées d’or. La vie élégante, énervant les organes et surexcitant les esprits, a fermé aux rayons du jour la demeure des riches ; elle a allumé les flambeaux pour éclairer leur réveil, et placé l’usage de la vie aux heures que la nature marquait pour son abdication. Comment résister à cette fébrile et mortelle gageure ? Comment courir dans cette carrière haletante, sans s’épuiser avant d’atteindre la moitié de son terme ? Aussi me voilà vieille comme si j’avais mille ans. Ma beauté que l’on vante n’est plus qu’un masque trompeur sous lequel