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Le sommeil est une douce et belle chose pour les petits enfans qui ne rêvent que de fées ou de paradis, pour les petits oiseaux qui se pressent frêles et chauds sous le duvet de leur mère ; mais pour nous qui sommes arrivés à une extension outrée de nos facultés, le sommeil a perdu ses chastes voluptés et ses profondes langueurs. La vie, arrangée comme elle l’est, nous ôte ce que la nuit a de plus précieux, l’oubli des jours. Je ne parle pas de vous, Trenmor, qui, selon la parole sacrée, vivez au monde comme n’y étant pas. Mais moi, dans le cours de ma vie sans règle et sans frein, j’ai fait comme les autres. J’ai abandonné au mépris superbe de l’ame les nécessités impérieuses du corps. J’ai méconnu tous les dons de l’existence, tous les bienfaits de la nature. J’ai trompé la faim par des alimens savoureux et excitans, j’ai trompé le sommeil par une agitation sans but ou des travaux sans profit. Tantôt, à la clarté de la lampe, je cherchais dans les livres la clef des