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lyre de son génie, déjà il donne à sa douleur une forme qui en élargit le développement à mesure qu’elle en diminue l’intensité.

Pourquoi voudriez-vous que je fusse effrayée du destin de Sténio ? M’en avoir rendue responsable, m’en avoir prédit l’horreur, c’est une rigueur injuste. Sténio est bien moins malheureux qu’il ne le dit et qu’il ne le croit. Oh ! comme j’échangerais avidement mon existence contre la sienne ! Que de richesses sont en lui, qui ne sont plus en moi ! Comme il est jeune, comme il est grand, comme il croit à la vie !

Quand il se plaint le plus de moi, c’est alors qu’il est le plus heureux, car il me considère comme une exception monstrueuse ; plus il repousse et combat mes sentimens, plus il croit aux siens, plus il s’y attache, plus il a foi en lui-même.

Oh ! croire en soi ! sublime et imbécile fatuité de la jeunesse ! arranger soi-même son avenir et rêver la destinée qu’on veut, jeter