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regard distrait, croyez-vous donc que je n’aie pas aussi ma souffrance, âpre et profonde comme celle qui a tué cette femme ? Eh ! que savez-vous ? Ce fut là peut-être une vie bien riche, bien complète, bien féconde. Vivre d’amour et en mourir ! C’est beau pour une femme ! Sous quel ciel de feu étiez-vous donc née, Viola ? Où aviez-vous pris un cœur si énergique qu’il s’est brisé au lieu de ployer sous le poids de la vie ? Quel dieu avait mis en vous cette indomptable puissance que la mort seule a pu détrôner de votre ame ? Ô grande ! grande entre toutes les créatures ! vous n’avez pas courbé la tête sous le joug, vous n’avez pas voulu accepter la destinée, et pourtant vous n’avez pas hâté votre mort comme ces êtres faibles qui se tuent pour s’empêcher de guérir. Vous étiez si sûre de ne pas vous consoler, que vous vous êtes flétrie lentement sans reculer d’un pas vers la vie, sans avancer d’un pas vers la tombe ; la mort est venue, et elle vous a prise, faible,