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pie, pour me désespérer et me perdre ? Elle entrait dans ma cellule avant moi, elle se blottissait maligne et souple dans le tapis de mon prie-dieu ou dans le sable de ma pendule, ou bien dans les jasmins de ma fenêtre ; et à peine avais-je commencé ma dernière oraison, qu’elle surgissait tout-à-coup devant moi, et posait sa froide main sur mon épaule en disant : — Me voici ! Alors il fallait soulever mes paupières appesanties, et lutter de nouveau avec mon cœur troublé, et redire l’exorcisme, jusqu’à ce que le fantôme fût repoussé. Parfois même, il se couchait sur mon lit, sur mon pauvre lit solitaire et froid ; il s’étendait sur ce grabat, l’horrible spectre, avec des grâces de courtisane et des frémissemens voluptueux qui me faisaient frissonner d’horreur et de crainte ; et quand j’entr’ouvrais les rideaux de serge pour m’approcher de ma couche, je le trouvais là qui me tendait ses bras lascifs et qui riait de mon épouvante ! Ô mon Dieu ! que j’ai souffert !