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je l’aimais alors, comme je la bénissais pour son orgueil ! Comme je la voyais belle sous le reflet mat des bougies, pâle, et grave, et fière, et douce pourtant ! Oh ! vous ne la possédiez pas, vous autres ! Vous ne saviez pas ce qui se passait dans son cœur, son regard ne vous la révélait jamais, vous n’étiez pas plus heureux que moi ! Comme cette pensée m’attachait à elle ! Dites, dites ! Avez-vous jamais saisi son ame ? Avez-vous deviné l’idée qui fermentait dans son grand front ? Avez-vous creusé son cerveau et fouillé dans les trésors de sa pensée ? Non ! vous ne l’avez pas fait. Lélia ne vous a pas appartenu non plus. Vous ne savez pas ce que c’est que Lélia. Vous l’avez vue sourire tristement, ou rêver d’un air ennuyé ; vous n’avez pas vu son sein se gonfler, ses larmes couler ; sa colère, sa haine ou son amour, vous ne les avez pas vu se répandre ! Dites, jeune homme, vous n’êtes pas plus heureux que moi ? Si vous me disiez le contraire, entendez-vous, cet abîme