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reportons sur un être incomplet et faible, qui devient le dieu de notre culte idolâtre. Dans la jeunesse du monde, alors que l’homme n’avait pas faussé sa nature et méconnu son propre cœur, l’amour d’un sexe pour l’autre, tel que nous le concevons aujourd’hui, n’existait pas. Le plaisir seul était un lien ; la passion morale, avec ses obstacles, ses souffrances, son intensité, est un mal que ces générations ont ignoré. C’est qu’alors il y avait des dieux, et qu’aujourd’hui il n’y en a plus.

Aujourd’hui, pour les ames poétiques, le sentiment de l’adoration entre jusque dans l’amour physique. Étrange erreur d’une génération avide et impuissante ! Aussi quand tombe le voile divin, et que la créature se montre, chétive et imparfaite, derrière ces nuages d’encens, derrière cette auréole d’amour, nous sommes effrayés de notre illusion, nous en rougissons, nous renversons l’idole, et nous la foulons aux pieds.