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que le bleu de ses yeux. Je n’ai pas entendu une voix de jeune fille qui fût plus harmonieuse et plus douce que la sienne ; les paroles qu’il dit sont comme les notes faibles et veloutées que le vent confie aux cordes de la harpe. Et puis, sa démarche lente, ses attitudes nonchalantes et tristes, ses mains blanches et fines, son corps frêle et souple, ses cheveux d’un ton si doux et d’une mollesse si soyeuse, son teint changeant comme le ciel d’automne, ce carmin éclatant qu’un regard de vous répand sur ses joues, cette pâleur bleuâtre qu’un mot de vous imprime à ses lèvres, tout cela, c’est un poëte, c’est un jeune homme vierge, c’est une ame que Dieu envoie souffrir ici-bas pour l’éprouver avant d’en faire un ange. Et si vous livrez cette jeune ame au souffle des passions corrosives, si vous l’éteignez sous les glaces du désespoir, si vous l’abandonnez au fond de l’abîme, comment retrouvera-t-elle le chemin des cieux ? Ô