Page:Sand - Lélia, édition Dupuy-Tenré, 1833, tome 1.djvu/106

Cette page a été validée par deux contributeurs.

livre et jamais ne s’épuise : tout cela c’est la vie de l’ame. Malheureux ceux qui les ignorent et qui mettent leur ambition dans les biens de la terre ! Ces biens-là sont mobiles et capricieux. Ils manquent souvent, ils s’échappent sans cesse. Au cœur de l’homme les rêves ne manquent jamais, l’attente et le souvenir sont des trésors toujours ouverts.

Trenmor tomba dans une profonde rêverie ; ses compagnons imitèrent son silence. La belle Lélia regardait le sillage de la barque où le reflet des étoiles tremblantes faisait courir de minces filets d’or mouvans. Sténio, les yeux attachés sur elle, ne voyait qu’elle dans l’univers. Quand la brise, qui commençait à se lever par frissons brusques et rares, lui jetait au visage une tresse des cheveux noirs de Lélia ou la frange de son écharpe, il frémissait comme les eaux du lac, comme les roseaux de la rive ; et puis la brise tombait tout-à-coup comme l’haleine épuisée d’une poitrine qui souffre. Les che-