Page:Sand - Lélia, édition Dupuy-Tenré, 1833, tome 1.djvu/103

Cette page a été validée par deux contributeurs.

quel concours d’événemens romanesques, je vous ai dit après quels voyages, quels travaux, quelle activité bien dirigée, j’étais parvenu à m’acquitter envers mes créanciers et à m’assurer, pour le reste de mes jours, ce qu’on appelle le bien-être. Cette grande condition d’existence m’était d’une nécessité moins absolue qu’à la plupart des hommes. Habitué aux misères de l’esclavage et ensuite à celles de la vie errante, j’aurais pu accepter, comme un bienfait de la Providence, une hutte sauvage aux rives de quelque établissement nouveau, avec les simples ressources de la nature et le fruit de mon travail. Indifférent à mon avenir social, j’en ai laissé le soin au hasard, et, tel que le hasard l’a fait, je l’ai accepté avec gratitude. Aujourd’hui je suis peut-être le plus heureux des hommes, parce que je vis sans projets et sans désirs. Les passions éteintes en moi m’ont laissé un immense fonds de souvenirs et de réflexions, où je puise à chaque instant des