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rugissait à mes côtés, je trouvai l’isolement et le silence. Ces voix frappaient tout au plus mes oreilles, aucune n’arrivait jusqu’à mon ame. Ces hommes n’avaient aucune sympathie morale avec moi : mes rapports avec eux m’aliénaient plus que ma liberté physique, et j’avais réussi à exister tout-à-fait en dehors de la vie matérielle ; là est la seule liberté, là est le seul isolement possible sur la terre. Dans ce calme, dans cette solitude, mon cœur s’ouvrit aux charmes de la nature. Jadis à mon admiration blasée les plus belles contrées qu’éclaire le soleil n’avaient pas suffi ; maintenant un pâle rayon entre deux nuages, une plainte mélodieuse du vent sur la grève, le bruissement des vagues, le cri mélancolique des mouettes, le chant lointain d’une jeune fille, le parfum d’une fleur élevée à grand’peine dans la fente d’un mur, c’étaient là pour moi de vives jouissances, des trésors dont je savais le prix. Combien de fois ai-je con-