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lui disais-je, qu’une femme très forte un peu brisée ? Le lys blanc dont la tige flexible s’incline au souffle de la brise, est plus beau que le lys jaune dont la corolle orgueilleuse boit sans pâlir les ardents rayons du jour.

Piffoël, pourquoi diable ne veux-tu pas baisser la tête quand l’orage passe ? Pourquoi tes larmes sont-elles si âcres, et pourquoi faudra-t-il que tu te brises sans avoir plié ? Tu veux comme l’héliotrope te tourner vers ton maître et le saluer volontairement dans sa gloire, mais si ton maître se voile et t’envoie la foudre, tu te dessèches et te romps, car tu ne veux pas fléchir.

Piffoël, mon excellent ami, tu devrais prendre des lavements.


4 juin.

J’ai dormi dans l’herbe au Coudray[1] pendant quelques minutes et, en m’éveillant à demi, les yeux gonflés par la chaleur du soleil ou obscurcis peut-être par la chaude vapeur qu’exhalent les foins à midi, j’ai été livré pendant quelque temps à une illusion agréable. Ces hautes herbes, se trouvant à la hauteur de mon visage penché près de la terre, enfermaient ma vue dans un étroit

  1. Maison de campagne de Charles Duvernet (ami berrichon de George Sand).