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la fenêtre soit ouverte. J’y ai observé des effets de vent qui sont encore inexplicables pour moi et qui me feraient croire à rcxistence des Esprits de l’air, comme à celle d’êtres fort capricieux. Je vois aussi, dans la teinte de leur belle verdure, l’intimité des rayons du jour à travers une atmo¬ sphère plus ou moins pure. Aujourd’hui la lumière est si vive que malgré le vent printanier on ne voit que le noir des ombres et l’or des rayons sur la fcuillèc.

Tu vis. La question n’est pas de savoir si c’est pour ton plaisir ou pour ton malheur, pour ton bien ou pour ta perte. Qui la résoudrait ? Tu vis, tu respires. Le ciel est beau.

La chambre d’Arabella[1] est au rez-de-chaussée sous la mienne. Là est le beau piano de Franz[2], au-dessous de la fenêtre d’où le rideau de verdure des tilleuls m’apparaît, la fenêtre d’où partent ces sons que l’Univers voudrait entendre, et qui ne font ici de jaloux que les rossignols.

Artiste puissant, sublime dans les grandes choses, toujours supérieur dans les petites. Triste pourtant et rongé d’une plaie secrète. Homme heureux, aimé d’une femme belle, généreuse, intelligente et chaste. Que te faut-il, misérable ingrat ! Ah, si j’étais aimé, moi !

  1. Madame d’Agoult.
  2. Liszt qui était venu faire un séjour à Nohant.