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couche glacée ? Pourquoi avez-vous fait repasser devant moi ce fantôme de mes nuits brûlantes, ange de mort, amour funeste, ô mon destin, sous la figure d’un enfant blond et délicat ? Oh que je l’aime encore, assassin ! Que tes baisers me brûlent donc vite, et que je meure consumée ! Tu jetteras mes cendres au vent. Elles feront pousser des fleurs qui te réjouiront !

Quel est ce feu qui dévore mes entrailles ? Il semble qu’un volcan gronde au dedans de moi, et que je vais éclater comme un cratère. Ô Dieu, prends donc pitié de cet être qui souffle tant ! Pourquoi les autres meurent-ils ? Pourquoi ne puis-je succomber sous le fardeau de mes peines ? On dit que la douleur s’épuise et qu’à force de saigner, le cœur se dessèche et devient insensible. Quand sera-ce, mon Dieu, que je ne le sentirai plus frémir et se déchirer ?

Ô mes yeux bleus, vous ne me regarderez plus ! Belle tête, je ne te verrai plus t’incliner sur moi et te voiler d’une douce langueur ! Mon petit corps souple et chaud, vous ne vous étendrez plus sur moi, comme Élisée sur l’enfant mort pour le ranimer ! Vous ne me toucherez plus la main, comme Jésus à la fille de Jaïre, en disant : « Petite fille, lève-toi ! » Adieu mes cheveux blonds, adieu mes blanches épaules ; adieu tout ce qui était à moi. J’embrasserai maintenant, dans mes nuits ardentes, le tronc des sapins et les rochers dans les