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des coups de fouet, voilà tout ce que les pénitents ont su inventer. Ils n’ont pas imposé à des gens qui aimaient de demeurer à trois pas de l’objet de leur amour, et de se tenir tranquilles et de rire et de manger ! Et d’ailleurs il faudra du temps avant que j’aie la fermeté et le courage de n’être pas jalouse. Oh, mon Dieu, vous me faites sentir des tortures dont je n’avais que l’idée ! Mais ceci sera éternellement refoulé au plus profond de mon cœur. J’ai senti, l’autre jour, en dînant avec lui chez Pinson, combien la jalousie peut rendre vil, injuste et sot, si l’on s’y abandonne. J’aurais voulu rabaisser la femme dont il disait du bien au-dessous des plus viles créatures. Et pourquoi ? Cela est aussi laid que stupide. Non, non. Seigneur Dieu, ne me laissez pas m’abrutir et me perdre.

La passion est un don sévère, mais divin. Les souffrances de l’amour doivent ennoblir et non dégrader. C’est ici, mon orgueil, que vous êtes une sainte et digne chose. Que cette femme l’aide et le console ; qu’elle lui apprenne à croire. Hélas, moi, je ne lui ai appris qu’à nier. Mea culpa. Alfred, je vais faire un livre. Tu verras que mon âme n’est pas corrompue, car ce livre sera une terrible accusation contre moi. Saints du Ciel, vous avez péché, vous avez souffert !