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dire à une femme : « Vous êtes abandonnée, méprisée, chassée, foulée aux pieds ; vous l’avez peut-être mérité. Eh bien, moi, je n’en sais rien ; je ne vous connais pas, mais je vois votre douleur et je vous plains et je vous aime. Je me dévoue à vous seule pour toute ma vie. Consolez-vous, vivez. Je veux vous sauver. Je vous aiderai à remplir vos devoirs près d’un convalescent ; vous le suivrez jusqu’au bout, mais vous ne l’aimerez plus et vous reviendrez. Je crois en vous, » un homme qui disait cela, pouvait-il me sembler coupable à ce moment-là ? Et si, après avoir conçu l’espérance de persuader cette femme, emporté, lui, par l’impatience des sens, ou bien par le désir de s’assurer de sa foi avant qu’il fût trop tard, il l’obsède de caresses, de larmes ; il cherche à surprendre ses sens, par un mélange d’audace et d’humilité ? Ah, les autres hommes ne savent pas ce que c’est que d’être adorée et persécutée, et implorée des heures entières ? Il y en a qui ne l’ont jamais fait, qui n’ont jamais tourmenté obstinément une femme. Plus délicats et plus fiers ils ont voulu qu’elle se donnât. Ils l’ont persuadée, attendue et obtenue. Moi je n’avais jamais rencontré que de ces hommes-là. Cet Italien vous savez, mon Dieu, si son premier mot ne m’a pas arraché un cri d’horreur ! Et pourquoi ai-je cédé, pourquoi, pourquoi ? Le sais-je ? Je sais que vous m’avez brisée ensuite, et que