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Là, pourtant, j’ai souffert aux jours qui ne sont plus.
Mes pauvres jours navrés de vouloirs superflus.
Des jours longs comme un an, des ans courts comme une heure.
Selon que la folie était pire ou meilleure.


Quel était donc mon mal ? La jeunesse, à mon sens,
La jeunesse inquiète, avide, téméraire,
La jeunesse qui rêve un éden sur la terre,
Et s’épuise à chercher les soucis renaissants.
C’est son droit, son destin, son besoin, sa chimère !
Dieu qui compte nos jours veut que nous nous hâtions ;
Dans nos seins altérés, pour un bien éphémère,
Il met, de l’infini, les aspirations.


Quand, au déclin de l’âge, on recherche les causes
Des troubles effacés dans la nuit du présent.
On ne voit que lueurs, mortes sitôt écloses,
Que nuages rompus, balayés par le vent.

C’est qu’on n’attend plus rien. Ou vit, on se sent vivre ;
On fait grand cas d’un jour, d’une heure, d’un moment.
On a rempli sa tâche, on a fermé le livre
Dont on était l’auteur ; on sait que l’auteur ment !

Deux souvenirs distincts parlent pourtant encore.
À mes pensers rassis, quand je rêve en ces lieux.
L’un est frais et furtif comme une courte aurore.
L’autre sombre et pesant comme un jour orageux.